Peuplée de 52 millions d’habitants composée de plusieurs ethnies, la Birmanie est très majoritairement bouddhiste (89 %). Les Rohingyas, minorité musulmane arrivée au XIe siècle et vivant dans l’Etat de l'Arakan, représentent 5% de la population totale. Ils vivent une situation de ségrégation systématique et sont totalement exclus de la vie politique, sociale, économique et culturelle.
Les Rohingyas : une des minorités les plus persécutées du monde selon l’ONU
Rattachée à la Birmanie depuis 1948, cette population est aujourd'hui considérée par l'ONU comme l' « une des minorités les plus persécutées du monde ». Actuellement composée d’environ 1 300 000 personnes (et un million en exil), elle est privée de ses droits civils et subit une véritable discrimination institutionnalisée. Considérés comme des étrangers ou des « immigrés illégaux bangladais » voire de « chiens » ou de « sous-hommes », ils ne bénéficient pas de la nationalité et sont donc apatrides. Alors qu'en 1948, les Rohingyas étaient reconnus officiellement en tant que minorité, l'arrivée en 1962 au pouvoir du dictateur Ne Win a changé la donne. Une campagne haineuse fut lancée qui la priva progressivement de ses droits les plus élémentaires. En 1978, ils ont vécu un premier exode où 200.000 d'entre eux se sont réfugiés au Bangladesh. Le deuxième départ contraint date de la période 1991-1992 au cours de laquelle 260.000 personnes ont quitté le pays pour éviter un enrôlement dans des travaux forcés.
En 1982, une loi fut promulguée par la junte militaire qui a déchu les Rohingyas de leur citoyenneté, ce qui les a officiellement transformé en apatrides et étrangers dans leur propre nation. Cette exclusion des musulmans de la vie politique s’explique en partie par une pression constante exercée par des groupes extrémistes bouddhistes, incarnée par le moine Ashin Wirathu qui assure vouloir « protéger l’identité bouddhiste ». Ouvertement raciste et déployant une idéologie sectaire, il reste néanmoins très populaire auprès de larges couches de la population bouddhiste. Au début des années 2000, dans une allusion directe aux Rohingyas, il affirmait : « Ils vont détruire notre religion », « ils vont prendre notre terre », « leur race et leur religion progressent ». Face à un tel déchaînement de violences verbales et physiques, le magazine américain Time le présentait dans sa Une du 20 juin 2013 comme étant le « Hitler de Birmanie ».
De son côté, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a accusé le 6 février dernier les forces de sécurité birmanes « d’opérations de nettoyage ». Elle a énuméré des violations flagrantes des droits humains parmi lesquelles la stérilisation forcée, le refus de soins, la destruction de villages, l'installation dans des camps de rétention, l'esclavage, les viols (y compris d’enfants) et tortures sexuelles commis par des militaires. Aujourd’hui chassés de leur maison, des centaines de milliers de Rohingyas vivent dans des camps alors que le gouvernement est accusé de bloquer sciemment l’aide humanitaire.
Le Qatar ainsi que d’autres pays du Golfe s’activent pour venir en aide aux Rohingyas
En janvier dernier, le ministre d’Etat qatari aux Affaires étrangères Sultan ben Saad al-Muraikhi, a lancé un appel au monde pour mettre fin aux massacres perpétrés à l’encontre des Rohingyas. Début février, Doha a accepté de débloquer des fonds pour la Malaisie afin d'aider les réfugiés dans trois domaines : l'enseignement primaire, la formation professionnelle et les soins médicaux. Cette annonce faisait suite à la visite du ministre malaisien de l’Intérieur Ahmad Zahid qui a visité l'émirat le 4 février dernier.
Ce n’est pas la première fois que le Qatar vient en aide aux Rohingyas. En mai 2015, les images de bateaux de réfugiés refoulés des côtes de la Malaisie, de la Thaïlande ou de l'Indonésie avaient suscité une vague d'émotions. Beaucoup ne comprenaient pas comment des Etats musulmans et limitrophes de la Birmanie pouvaient adopter une telle attitude face à des réfugiés qui avaient tout perdu et qui en plus, erraient depuis des semaines en mer. Le Qatar avait annoncé une aide de 50 millions de dollars à l'Indonésie pour que ce pays puisse répondre à l'afflux de réfugiés sur ses terres.
En septembre 2012, le cheikh koweïtien Nabil Al 'Awadi, un des prédicateurs les plus populaires du Golfe, s'était rendu dans les camps de réfugiés Rohingyas au Bangladesh. Il apportait des vivres et des médicaments affrétés par la Qatar Charity, l'une des plus importantes ONG de l'émirat, ainsi que par d'autres organisations caritatives du Koweït. Son voyage avait aussi pour but de médiatiser la cause de ces réfugiés délaissés par la communauté internationale.
La Turquie et la Malaisie lance la « Food flotilla for Myanmar »
Dans le même temps, la Turquie et la Malaisie se sont coordonnées pour organiser une flottille humanitaire au départ de la Malaisie en faveur des Rohingyas. Baptisée « Food flotilla for Myanmar », elle a été administrée par deux importantes structures, à savoir le Conseil malaisien consultatif des organisations islamiques (Mapim) et la Fondation Turkiye Diyanet Vakfi (TDV).La flottille est arrivée le 9 février au port de Yangon dans la province de Rakhine en Birmanie.Elle compte à son bord 200 volontaires avec plus de 2300 tonnes de nourriture et de fourniture médicale. En ce qui concerne l'approvisionnement alimentaire, l’objectif est d’aider entre 20 000 à 30 000 réfugiés. L’assistance médicale couvrira quant à elle les besoins d’environ 5 000 personnes touchées par le conflit en cours. Cette initiative s'inscrit dans le prolongement des efforts déployés par les deux pays. En juin dernier, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu s'était ainsi rendu à Sittwe, chef-lieu de la province d’Arakan pour offrir le repas d’Iftar (rupture du jeûne) à près de quatre mille Rohingyas.
La mission n’a pas seulement pour ambition de fournir une aide humanitaire, elle sera aussi accompagnée d'un message : celui de mettre fin aux atrocités commises contre cette minorité abandonnée de tous. L'humanitaire français Moussa Ibn Yacoub, soucieux du sort des Rohingyas et dont l'arrestation par les autorités du Bangladesh avait suscité un large élan de solidarité l'an dernier, fait partie des humanitaires à bord de la flottille. Nous lui souhaitons bon courage!