Ligne de faille régionale
La tenue de la conférence de même que les organisations et les Etats présents ont révélé la profonde ligne de faille qui traverse l’espace politique régional. Parrainé par le secrétariat de la Ligue des Etats arabes (ainsi que par le Haut commissariat aux droits de l'homme de l’ONU et d'autres institutions), la conférence avait toutes les allures d’une rencontre officielle où devaient se presser les représentants des gouvernement invités comme c’est régulièrement le cas à Doha. Il n’en fut rien et l’absence de certains pays a permis de se rendre compte que la tension qui oppose Doha à certains de ses voisins reste vive. Les Emirats arabes unis, le Bahreïn et l’Egypte du régime putschiste d'Abdelfatah Al Sissi ont refusé de s’y rendre. Attendu jusqu’au dentier moment, les Saoudiens ont aussi décliné l’invitation. Malgré ces absences, ce sont quand même quatorze pays du monde arabe qui ont fait le déplacement. Avec des surprises de taille ; alors que le torchon brûlait il y a peu entre le Qatar et l’Irak, le ministre de l’intérieur du nouveau gouvernement à Bagdad était partie prenante des travaux de la conférence.
La rencontre s’est ouverte sur un propos unanime : « il ne peut y avoir de stabilité dans le monde arabe sans respect des droits de l’homme ». Cette idée, reprise comme un leitmotiv tant par le représentant du secrétaire de la Ligue arabe que par les officiels qataris, résume la difficulté d’articuler la préoccupation du respect des droits humains avec l’impératif de stabilité de chaque pays. Trop souvent, la nécessaire application de celle-ci s’est réalisée, dans le monde arabe, au détriment de celle-là. Dans un contexte général où la question du respect des droits de l’homme demeure en tête de l’agenda international, ces thématiques sont d’une actualité brûlante. A l’heure où les révoltes arabes, malgré leur apparent reflux, ont consacré l’émergence de sociétés civiles qui n’acceptent plus de vivre sous des régimes oppressifs, cette conférence avait pour but d’esquisser les voies d’une collaboration fructueuse entre acteurs de deux mondes que beaucoup de choses séparent.
Droits de l’homme au Qatar
Sous le haut patronage du Premier ministre (qui est également ministre de l’Intérieur), le Cheikh Abdullah bin Nasser bin Khalifa al-Thani, le Comité des droits de l’homme du Qatar a tenu lors de ces deux journées sa conférence la plus « imposante » depuis sa création. Lancée en 2002, cet organisme qui vise à améliorer l’Etat de droit dans l’émirat ainsi que le respect des droits humains organise chaque année une conférence internationale. Mais ni celle de l’an dernier qui portait sur la réforme des systèmes arabes de protection des droits de l’homme ni celle de 2012 sur la protection des journalistes dans les zones de conflit n’avait atteint le « calibre » de celle organisée lors de ces deux journées. Souvent portée à intervenir ou à s’exprimer sur des cas survenant en dehors des frontières de l’émirat, le Comité a aussi publié une série de recommandations et de rapports sur la question du respect des droits de l’homme au Qatar. C’est, du reste, sur cette épineuse question qu’il est le plus attendu. Nul doute que la loi sur le sponsorship enterrant le système de la « kafala » qui doit être promulguée courant 2015 sera une forme d’aboutissement de sa mobilisation.