Choquée par cette décision unilatérale, l’ONG répond par une vaste campagne sur les réseaux sociaux en appelant ses donateurs à s’indigner auprès des deux structures bancaires. Très vite, des centaines de messages de dénonciation affluent sur les pages Facebook et comptes Twitter des deux banques. Souhaitant éteindre le feu de ce qui commence à devenir un scandale, la Société Générale répond par un communiqué laconique dans lequel elle se refuse de commenter les décisions de fermeture des comptes de l’ONG.
Entretien avec le site d'Al Jazeera
Dans l’entretien accordé à Al Jazeera, le président de BarakaCity, Idriss Sihamedi, affirme que les deux banques n’ont pas « mis de doutes sur la légalité de la provenance ni sur la transparence des fonds » de son association. Il ajoute qu’à aucun moment, BarakaCity n’a reçu des donations d' « un Etat étranger » et que les sommes reçues par l’association viennent uniquement des donateurs. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas uniquement français mais proviennent de plusieurs pays européens. Cette volonté de bien faire comprendre l’origine des fonds et de rassurer tous ceux qui se poseraient des questions a aussi été soulevée dans un autre entretien que M. Sihamedi a consacré au site Zaman en déclarant : « Nos dons viennent de différents particuliers ou de certaines sociétés, de pays occidentaux, d'expatriés de Malaisie, de Dubaï, d'Angleterre, des Etats-Unis, du Canada. Nous ne sommes subventionnés par personne, ni aucun Etat. Tout est traçable. Tous les dons sont contrôlés par Paypal, connu pour sa rigueur. Nos comptes ont été agréés par un commissaire aux comptes. Nous sécurisons nos proces savec les banques, les juristes. Nous n'avons jamais eu de problèmes avec les prestataires avec lesquels nous travaillons».
L’histoire de l’association a aussi été rappelée. Née en 2010, l’association s’est notamment faite connaître grâce à l’opération « L’eau, c’est la vie » menée en 2012 au Togo qui avait permis de mettre l’association sur les rails de l’humanitaire. Mais c’est surtout avec la campagne lancée via une vidéo postée sur Youtube à l’été 2013 et largement relayée sur les réseaux sociaux que l’ONG rentre dans la cour des acteurs humanitaires de premier plan. Preuve de sa croissance rapide, BarakaCity y avait récolté la somme d’un million d’euros en l’espace de quelques jours. Aujourd’hui, Idriss Sihamedi affirme que son association a ramassé 7 millions d’euros depuis le début de l‘année. Ce qui, pour une structure aussi jeune, est un chiffre assez considérable.
Résonance internationale
A notre connaissance, c’est la première fois qu’un média mainstream du monde arabe couvre cette affaire qui a beaucoup mobilisé la communauté musulmane. Devant le relatif silence des sites d’information généraliste français sur cette histoire, il est utile de faire remarquer ce différentiel de posture. Alors que l’ONG gère aujourd’hui un budget conséquent et qu’elle intervient dans plusieurs théâtres de crise (Birmanie, Centrafrique, Syrie, Gaza où elle a ouvert un bureau en 2012) et qu’elle est suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, l’absence de médiatisation de cette affaire est gênante voire problématique. Hormis la blogosphère musulmane, rares auront été en effet les médias à s’y intéresser.
Cette projection à l’international pourrait relancer la polémique et mettre le focus sur une habitude quelque peu fâcheuse dont sont victimes certaines structures musulmanes. En effet, ce n’est pas la première fois que des associations ou des acteurs de la communauté musulmane subissent ce genre de procédés. Par le passé, l’organisme de certification de la viande halal AVS, l’association Oumati ou certaines associations gérant des mosquées (comme celles d’Ecquevilly ou de Noisy-le-Grand) ont connu le même sort. Souvent, ces fermetures arrivent de manière brutale sans explication. Ce qui, du reste, demeure très troublant.