Pour rappel, Baher Mohamed (de nationalité égyptienne), Mohamed Fadel Fahmy (Canado-Egyptien) et Peter Greste (Australien) ont été arrêtés au Caire le 29 décembre 2013 et condamnés lors d’une parodie de procès le 23 juin dernier à des peines de 7 à 10 ans de prison ferme pour « soutien au terrorisme », « diffusion de fausses informations » et « atteinte à la sécurité nationale ».
Procès des journalistes d'Al Jazeera en Egypte : un nouveau jugement est prévu
jeudi, 01 janvier 2015 20:39Une audience en appel de la cour de Cassation égyptienne a annulé, jeudi 1er janvier 2015, les condamnations des trois journalistes d'Al Jazeera English jugés en juin 2014 pour « soutien au terrorisme », « diffusion de fausses informations » et « atteinte à la sécurité nationale ». La plus haute instance judiciaire d’Egypte a donc accepté le pourvoi en appel et a annoncé la tenue d’un nouveau procès.
Certes, un nouveau procès est prévu mais les trois journalistes resteront en prison. "Ils ne seront pas libérés avant de comparaître devant un nouveau tribunal, qui décidera de les relâcher ou non", a précisé l’un de leurs avocats, Mostafa Nagy. Plusieurs observateurs ont indiqué que ce procès en appel ne se tiendrait pas avant la fin de la nouvelle année même si les familles des journalistes espéraient une libération sous caution.
Le chef d'inculpation « soutien au terrorisme » se réfère au présumé soutien que ces trois hommes auraient apporté à la confrérie des Frères musulmans considérée comme une organisation terroriste par les autorités égyptiennes. Décidées à éradiquer ce mouvement, les autorités égyptiennes issues du putsch de juillet 2013 ont longtemps considéré la chaîne Al Jazeera comme son bras médiatique. L'arrestation des trois journalistes étaient sans nul doute une mesure de rétorsion prise à l'encontre d'un média qui continuait à présenter le nouveau pouvoir égyptien comme illégitime.
Mobilisation mondiale
Cette affaire a provoqué un tollé international et a été largement relayé sur les réseaux sociaux. Une mobilisation qui s'est traduite par l'utilisation du Hashtag #FreeAJSTAFF qui a été tweeté plus de 450 000 fois l'an dernier. Des centaines d'intellectuels et de journalistes anglophones de plusieurs médias tels que la BBC ou CNN se sont mobilisés sur la toile pour dénoncer cette atteinte à la liberté de la presse. Il en a été de même pour des hommes politiques comme le premier ministre britannique David Cameron ou encore le président américain Barack Obama qui ont vigoureusement dénoncé cette sentence et exigé la libération des journalistes.
Une violation de la liberté d’information critiquée par Amnesty internationale et Reporter sans frontière (RSF) : “Nous exhortons le président Sissi à gracier les journalistes d’Al-Jazeera qui ne sont pas coupables des chefs d’accusation portés contre eux et qui exerçaient uniquement leur métier au moment de leur arrestation" a déclaré Lucie Morillon, directrice des programmes de Reporters sans frontières. "Cette condamnation arbitraire illustre parfaitement la politique répressive du régime à l’encontre des médias étrangers et locaux, soupçonnés de liens supposés ou réels avec les Frères musulmans. Les journalistes ne doivent pas être pris à parti et devenir victimes du système au nom de la lutte contre le terrorisme” a-t-elle ajouté. La situation de la liberté de la presse est très inquiétante en Egypte qui est considérée comme l’une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes en 2014. Le pays figure à la 159ème place sur 180 du Classement 2014 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Dégel des relations Qatar-Egypte
Plusieurs observateurs avaient misé sur un dénouement rapide de cette affaire suite au dégel des relations diplomatiques entre le Qatar et l’Egypte. En effet, lundi 22 décembre, la chaîne Al Jazeera a annoncé la fermeture "provisoire" de son antenne égyptienne, Al Jazeera Mubasher Misr (qui signifie Al Jazeera Direct Egypte), accusée par les autorités égyptiennes de fournir une couverture de l'actualité favorable aux Frères musulmans. Une fermeture qui survient deux jours après la visite de l’émissaire de l’émir du Qatar au Caire, samedi 20 décembre, au cours de laquelle il avait rencontré le président Abdel Fattah al-Sissi. Les relations entre Le Caire et Doha se sont détériorées après le coup d’Etat fomenté par l’armée égyptienne qui a destitué le président élu Mohamed Morsi le 3 juillet 2013. Mais ces « gestes » de bonne volonté de la part de Doha ne semblent pas encore suffisant pour obtenir une grâce présidentielle des journalistes (ou du moins une libération provisoire). Selon plusieurs spécialistes, une grâce ne sera possible qu'après avoir épuisé tous les moyens de recours judiciaire.
Suite à l'acceptation d’un nouveau procès en appel, Al Jazeera a publié un communiqué de presse dans lequel le Directeur général par intérim Moustafa Souag a salué cette décision tout en déclarant que « l'arrestation des journalistes est politique, leur condamnation est politique et leur maintien en prison est, selon nous, politique. Par conséquent, nous espérons qu'une décision politique sera prise afin qu'ils soient tous libérés sans attendre un nouveau procès ». Cette formulation fait référence aux indications des avocats des journalistes quant à la durée de la procédure en appel qui pourrait prendre entre un an et un an et demi. Cette période de détention pourrait par contre être écourtée pour Peter Greste car une nouvelle loi adoptée par le parlement égyptien en novembre prévoit une clause d'extradition pour les détenus de nationalité étrangère qui présentent le même cas.