Ce n'est pas non plus un hasard si le seul pays non représenté au sommet arabe ait été la Syrie, l'un des rares alliés arabes de l'Iran. Isolé au sein de l'organisation panarabe, le régime de Bachar al-Assad paie sa fuite en avant dans la répression de son peuple. Ce sommet de la Ligue arabe a donc été l'occasion de démontrer encore une fois combien la fracture confessionnelle devient le clivage dominant dans la région. Signe de cette tension, les dirigeants présents lors de ce sommet, se sont mis d'accord sur le principe de créer une force militaire conjointe dans le but notamment de combattre les « groupes terroristes ». Dans le viseur de cette force arabe, il est autant question de lutter contre les mouvances sunnites sectaires telle l'Etat islamique que les tentatives de sédition menées par des groupes chiites tels les houthis au Yémen.
Réconciliation Qatar-Egypte?
L'un des épisodes marquants de ce sommet fut également la rencontre entre l'émir du Qatar et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi arrivé au pouvoir à l'issue du coup d'Etat militaire de juillet 2013. En froid depuis ce putsch, les deux pays ont récemment entretenu des relations diplomatiques orageuses. Refusant d'adouber ce coup de force, le Qatar s'était mis en marge des autres émirats du Golfe (en particulier l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis) qui sont devenus les bailleurs de fonds d'une Egypte à l'économie exsangue. Hébergeant des cadres des Frères musulmans honnis par le nouveau régime du Caire, Doha s'était dans le même temps rapprochée de la Turquie et du Hamas. Cette nouvelle configuration qui divisait le camp sunnite entre une faction pro-saoudo-égyptienne et une aile turco-qatarie semble aujourd'hui appartenir au passé. Même si la pierre d'achoppement autour de l'Egypte restera un élément de friction, la situation régionale marquée par la double menace que représente la percée de l'Etat islamique et le renforcement presque irrésistible de la sphère d'influence iranienne plaide pour une convergence du "front sunnite". Chef de file de cette réorientation de l'agenda régional, l'Arabie saoudite du nouveau roi Salman semble avoir mis tout son poids pour un réchauffement des relations bilatérales entre Le Caire et Doha. C'est dans ce cadre qu'il faut restituer la bise amicale entre les deux chefs d'Etat ainsi que l'entretien qui s'en est suivi. Signe des temps, le Qatar semble avoir décidé selon certains médias de rétablir son ambassadeur en Egypte. Ce dernier avait quitté Le Caire mi-février suite à une nouvelle brouille consécutive à l'opération militaire égyptienne contre des forces de l'Etat islamique en Libye. Mais cette information citée par le site en arabe de la chaîne Russia Today n'a pas encore été confirmée. Le fait que l'ambassadeur qatari en Egypte ait fait partie de la délégation de l'émir a fait dire à certains que son retour définitif avait été décidé. Mais selon les propos du ministre égyptien des Affaires étrangères, cette reprise n'est pas encore officiellement acquise.
Il n'est pas certain que cette détente puisse s'installer dans la durée. Pressées par les Saoudiens de minorer leurs divergences, les deux capitales ont des vues tellement divergentes sur certains dossiers qu'il n'est pas sûr que leur antagonisme appartienne au passé. Malgré l'accolade des deux chefs d'Etat et les formules d'amitié de circonstance, le discours de l'émir du Qatar et celui de son homologue égyptien avaient peu de choses en commun. D'un côté, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani rappelait la centralité de la cause palestinienne et la nécessité de respecter le choix des peuples dans leur marche vers la liberté. Il a également dénoncé sans réserve le blocus imposé à la population gazaouie. De l'autre, on insistait sur la nécessité de lutter contre le "terrorisme", expression qui, dans la bouche du président égyptien, valait autant pour Daech que pour les Frères musulmans ou le Hamas. Autant d'amalgames qui sont loin de "coller" avec la doctrine et la pratique diplomatique du Qatar.